lundi 9 novembre 2009

Stratégie de diversification et conflit en matière de brevets



Fin 2005, eBay a acquis Skype pour la modique somme de 3 milliards de dollars. Les performances financières n'ont pas été très bonnes, et eBay décida de se séparer de Niklas Zennstrom, co-fondateur de Skype et directeur général. Ce dernier, avec l'autre co-fondateur de Skype, Januss Friis, a créé une société de logiciels peer to peer, Joltid. Cette société s'appuie sur un actif-clef, à savoir le code source de la technologie peer to peer skype. Cet actif-clef est protégé par le biais du copyright, détenu par la société Joltid, qui en avait concédé le droit d'utilisation à eBay par le biais d'un contrat de licence. Peu de temps après l'annonce par eBay de la cession de 65% de la participation dans Skype à un consortium d'investisseurs, Joltid a décidé de terminer l'accord de licence (au motif qu'eBay avait acquis des versions non-autorisées du code source, réalisé des modifications, et transmis les informations à des tiers), et d'engager à l'encontre de Skype, d'eBay et du consortium une action en contrefaçon de copyright (16 septembre 2009). Une autre action judiciaire est en cours au Royaume-Uni.

Trois semaines plus tard, une information plus positive est venue éclaircir les perspectives de Skype. En effet, la U.S. Court of Appeals for the Federal Circuit, suite à un appel interjeté par eBay, est venue infirmée la décision rendue par la U.S. District Court for the Eastern District of Texas (toujours cette juridiction ! , voir mes billets précédents, considérant qu'il n'y avait pas violation des brevets détenus par la société Peer Communication.

La situation d'eBay après la prise de contrôle de Skype illustre bien que les droits de propriété intellectuelle sont une source croissante de risque aux Etats-Unis, surtout dans un contexte d'importants flux économiques où chacun souhaite "profiter de sa part du gateau"...

dimanche 8 novembre 2009

Intel est pris...qui croyait prendre ?



Dans un billet datant du mois de juin, j'avais indiqué cette ironie de voir Intel lourdement condamnée par la Commission européenne au moment où je relisais un article publié en 2001 dans la Harvard Business Review qui mettait en exergue l'exemplarité du dispositif de compliance mis en place par Intel en matière de droit de la concurrence. Je me demandais si l'une des raison de ce décalage ne résidait pas dans l'adéquation de ces programmes de compliance au droit US, et non au droit européen, sans pour autant en être très convaincu...L'histoire me donnerait-elle raison ? La FTC vient de déclarer qu'elle dévouait énormément de temps à l'élaboration d'un nouveau dossier à l'encontre de la société Intel. On pourrait là encore rétorquer qu'il s'agit de faits anciens, et que les programmes de compliance ont été développés postérieurement. Cependant un doute sérieux existe...étant donné que ce dossier viserait à régler des problèmes "pour le futur"...

Les bons soldats du droit de la concurrence sont-ils de fins stratèges ?



Les "tribulations" d'Apple et d'Orange sont-elles terminées ? Après la décision du Conseil de la concurrence et celle de la Cour d'appel de Paris (voir un post précédent, Apple, France Télécom, et Orange ont récemment proposé des engagements pour une durée de trois ans à l'Autorité de la Concurrence. Ainsi :
- « Apple s'engage à ne pas consentir à des opérateurs de téléphonie mobile français, et à ne pas mettre en œuvre de quelque manière que ce soit avec ces mêmes opérateurs, d'exclusivités opérateur ou de grossiste pour la distribution sur le territoire français des modèles actuels et futurs d'iPhone, à l'exception d'exclusivités portant sur des modèles futurs d'iPhone et dont la durée ne serait pas supérieure à trois mois. »

- Orange s'engage « sur le territoire métropolitain français, à ne pas revendiquer d'exclusivité “opérateur” et/ou “grossiste” sur les modèles actuels de l'iPhone » et « à ne pas introduire, dans les contrats qui seraient conclus avec Apple pour la commercialisation des futurs modèles d'iPhone (…) une exclusivité “opérateur” et/ou “grossiste” d'une durée supérieure à trois mois ».
Orange s'engage également, dans un délai de deux mois, « en conséquence du 1er engagement et du 2e engagement ci-dessus, (…) à régulariser définitivement et complètement avec Apple leurs accords d'exclusivité de partenariat sur l'iPhone » et « régulariser avec ses distributeurs leurs contrats de distribution de l'iPhone ».

Mais en quoi ces engagements sont-ils contraignants pour ces entreprises ? Orange a su capturer de la valeur pendant la durée du partenariat (voir, notamment, les transferts d'abonnement des autres opérateurs vers Orange). Apple a évidemment intérêt, après une période lui ayant permis de faire son apprentissage sur un marché que la société ne connaissait pas, avec un opérateur dédié, à ce que l'iPhone soit distribué massivement...

Conformité réglementaire et performance : succès de l'évènement organisé à l'hotel Le Meurice



L'étude réalisée par Christophe Roquilly et Christophe Collard sur la conformité réglementaire a donné lieu à un EDHEC Publication Paper présenté à l’occasion d’un évènement organisé le 22 octobre par Protiviti (société partenaire de LegalEdhec dans le cadre de cette étude) à l’hotel Le Meurice. Au cours de celui-ci, les deux auteurs ont présenté les conclusions de leur étude, qui s’appuie sur un cadre conceptuel élaboré à partir d’une large revue de littérature, et sur des entretiens qualitatifs menés auprès de dix directeurs juridiques et compliance officers.

Cette présentation devant plus de cent personnes a été suivie d’une table-ronde animée par Monsieur François Roche, journaliste, et à laquelle ont participé Madame Nicole Notat, Présidente de Vigeo, et Messieurs Bernard Drui, Managing Director de Protiviti, Daniel Lebègue, Président de l’IFA, Philippe Legrez, Directeur Juridique du Groupe Michelin, et Laurent Combalbert, Président d’Ulysceo.

C. Roquilly et C. Collard s’attachent à mettre en évidence que la conformité réglementaire ne peut avoir un impact positif sur la performance des entreprises qu’en fonction de la qualité de certains facteurs, qui sont répartis dans les quatre dimensions de la conformité réglementaire : institutionnelle, substantielle, organisationnelle, et fonctionnelle. La première dimension renvoie à l’auteur de la norme juridique et à l’efficacité potentielle des codes de bonnes pratiques ; la seconde dimension touche à la substance de la norme et aux mérites respectifs des deux modèles dominants : commander-contrôler-sanctionner, d’une part, recommander, encourager, récompenser, d’autre part. La troisième dimension, dont on peut penser qu’elle est centrale, est relative à l’organisation que l’entreprise met en place pour développer une véritable culture de la conformité. Enfin, la quatrième et dernière dimension évoque la nécessité de choisir la fonction au sein de l’entreprise qui va devoir incarner cette recherche de conformité réglementaire. Il appartient à chaque entreprise de trouver l’organisation de la conformité la plus adaptée à ses propres spécificités, sachant qu’il est vraisemblable que seul le dépassement de la « simple » conformité réglementaire peut éventuellement conduire à une meilleure performance.

Il est à noter que cette étude donnera lieu à un dossier dans le prochain numéro des Cahiers de Droit de l'Entreprise.

Google AdWords : vers une stabilisation juridique du modèle ?




Comme je l'avais annoncé dans un billet précédent, la Cour de cassation a posé plusieurs questions préjudicielles à la CJCE concernant le conflit entre le mode de fonctionnement du programme AdWords de Google et le droit des marques, et la responsabilité de la société Google à cet égard. L'Avocat Général, Monsieur Poiares Maduro, a rendu ses conclusions le 22 septembre 2009. Celles-ci sont de toute évidence favorables à Google et au modèle technologique choisi pour son programme AdWords. Monsieur Maduro estime en effet que :
- "La sélection par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur Internet, d’un mot clef déclenchant, en cas de requête utilisant ce mot, l’affichage d’un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d’offrir à la vente des produits ou services, d’un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l’autorisation du titulaire de cette marque, ne constitue pas en soi une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier en vertu de l’article 5 de la première directive 89/104 du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques".

- "L’article 5, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 89/104 et l’article 9, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire doivent se comprendre comme signifiant qu’un titulaire de marque ne peut pas interdire au prestataire d’un service de référencement payant de mettre à la disposition d’annonceurs des mots clefs reproduisant ou imitant des marques déposées ou d’organiser dans le cadre du contrat de référencement la création et l’affichage privilégié de liens publicitaires vers des sites sur la base de ces mots clefs".

- "Dans le cas où les marques sont renommées, le titulaire des marques ne peut pas s’opposer à un tel usage en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 et de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94".

Est-ce à dire que Google va pouvoir enfin obtenir la sécurisation juridique de son programme ? La réponse ne peut être catégorique car la décision à venir de la CJCE ne présumera en rien l'application par le juge français du régime de concurrence déloyale. Toutefois, un grand pas en avant serait réalisé, et un recul de l'étendue du droit des marques pour s'opposer à certains types d'utilisation d'une information commerciale opéré.